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367] étant liées à l’exercice des fonctions corporelles, nous ne pouvons nous souvenir de notre existence passée ; nous sommes cependant en communication avec ce qu’il faut bien appeler, d’un terme platonicien, le monde intelligible. La connaissance du troisième genre présente en effet les plus exactes ressemblances avec la nÒhsij platonicienne, à cela près qu’elle aperçoit intuitivement des essences particulières et non pas des idée universelles. Ici encore Spinoza est d’accord avec Plotin. Les Ennéades nous montrent les âmes humaines en communication, d’une part, avec le monde sensible, où elles se divisent et se dispersent ; d’autre part, avec le monde intelligible, où elles s’unissent et participent de l’absolu. « Nous sommes chacun en quelque sorte le monde intelligible : nous sommes liés par notre partie inférieure au monde sensible, par notre partie supérieure au monde intelligible ; nous demeurons en haut par ce qui constitue notre essence intelligible, nous sommes attachés ici-bas par les puissances qui tiennent le dernier rang dans l’âme. Nous faisons passer ainsi de l’intelligible dans le sensible une émanation ou plutôt un acte qui ne fait rien perdre à l’Intelligible ». (Ennéades, IV, 4, § III). Enfin la distinction de l’essence et de l’existence, qui tient une si grande place dans l’Éthique, et qu’il est si difficile de comprendre clairement, présente peut-être quelque analogie avec la distinction établie par Plotin entre la seconde et la troisième hypostase. Ce sont les mêmes êtres qui sont ici des pensées, là des âmes ; mais les pensées sont immuables et éternelles, tandis que les âmes qui les réalisent hors de l’intelligence sont principes de mouvement et peuvent ainsi entrer en contact avec l’ordre de la nature. Il y a sans doute bien de l’obscurité dans la seconde moitié de la cinquième partie de l’éthique, et on peut regretter que Spinoza ne se soit pas expliqué plus complètement sur cette vie en Dieu, par où s’achève toute sa doctrine. En entrant dans cette partie de l’ouvrage on est un peu déconcerté, et plus d’un lecteur n’a pu se défendre d’un certain étonnement ou même de quelque défiance. Manifestement [368]