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absolue. D’autres philosophes avant lui, quoique, à la vérité, d’une manière fort différente, les Stoïciens par exemple, ont conçu la divinité comme inséparable de la nature et ne faisant qu’un avec elle. Les mêmes philosophes ont affirmé aussi la nécessité et l’ont étendue à toutes choses. Mais personne peut-être avant Spinoza ne s’était attaché avec autant de force à la négation de toute finalité. A cet égard le second Scholie de la Pr. XXIII, I, est très significatif. L’auteur marque avec une extrême précision le caractère qui le distingue de tous les autres philosophes. « Toutes choses dépendent de la volonté de Dieu. Par conséquent, pour que les choses fussent autres qu’elles ne sont, il faudrait que la volonté de Dieu fût autre qu’elle n’est. Or la volonté de Dieu ne peut être autre qu’elle n’est (c’est une suite très évidente de la perfection divine). Donc les choses ne peuvent être autres qu’elles ne sont. Je l’avouerai, cette opinion qui soumet toutes choses à une certaine volonté indifférente et les fait dépendre du bon plaisir de Dieu s’éloigne moins du vrai, à mon avis, que celle qui fait agir Dieu en toutes choses par la raison du bien. Les philosophes qui pensent de la sorte semblent, en effet, poser hors de Dieu quelque chose qui ne dépend pas de Dieu, espèce de modèle que Dieu contemple dans ses opérations ou de terme auquel il s’efforce péniblement d’aboutir. Or ce n’est là rien autre chose que soumettre Dieu à la fatalité, doctrine absurde, s’il en fut jamais, puisque nous avons montré que Dieu est la cause première, la cause libre et unique non seulement de l’existence, mais même de l’essence de toutes choses. » Les anciens philosophes grecs s’étaient représenté la divinité à la manière d’un artiste qui façonne une matière préexistante, lui donne la forme et s’efforce d’y réaliser la plus parfaite beauté. Il y a une sorte de dualisme dans toute la philosophie grecque primitive. Mais ce dualisme ne les embarrasse point, car ils ne considèrent pas Dieu comme infini. L’infini est à leurs yeux la forme la plus imparfaite de l’existence. Par suite, chez tous ces philosophes, Dieu est toujours considéré comme une intelligence souverainement parfaite, il est le bien [