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361] Dieu comme immanent, en lui attribuant l’étendue, en définissant sa volonté comme identique à son entendement. Mais il ne paraît pas croire qu’en s’exprimant ainsi il rompe avec la tradition, et il continue à parler de Dieu comme si ce mot avait, sauf les restrictions qui viennent d’être indiquées, le même sens que pour tout le monde. Il cite le mot de saint Paul : « in Deo movemur », et il paraît se croire d’accord avec l’apôtre. Nous n’avons pas à décider ici si c’est à tort ou à raison, et s’il n’y a pas contradiction entre les diverses assertions du philosophe. Ce n’est pas ici le lieu de réveiller des querelles assoupies et aujourd’hui oubliées. C’est uniquement une question historique que nous essayons d’éclaircir. Après tout, il n’y a peut-être pas un abîme entre la conception qui considère tous les êtres finis comme des modes de la substance, si d’ailleurs ces modes sont distincts les uns des autres et de la substance elle-même, et la conception cartésienne qui considère ces mêmes êtres comme des effets distincts sans doute de leur cause, mais dépendants d’elle de telle sorte qu’ils n’existent à chaque moment que par son concours toujours présent et continué de telle sorte que tous leurs actes présents et futurs puissent être rigoureusement prévus par elle. Le plus grand tort du philosophe est peut-être d’avoir conçu Dieu à la manière de ces anciens Hébreux dont il parle quelquefois et qui voyaient Dieu partout et lui rapportaient toutes choses. Il se fait de la puissance divine une idée si vaste, si exclusive et en quelque sorte si jalouse, qu’il ne reste à côté d’elle aucune place pour une autre réalité et pas même pour une apparence de réalité. Le spinozisme est un monothéisme immodéré.


III

Si l’on essaie de déterminer le caractère distinctif de la philosophie de Spinoza afin de marquer sa place dans la philosophie, il semble que ce qui lui appartient en propre, ce ne soit ni la doctrine de l’immanence ni celle de la nécessité [362]