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PHILOSOPHIE ANCIENNE

excellence aux yeux des stoïciens est le συνημμένον. Et il est aisé de comprendre pourquoi. D’abord leur nominalisme leur fait une loi de faire le moins possible usage de ces notions générales qui ne correspondent à rien. S’il est vrai que les êtres individuels sont seuls réels, et si la proposition doit exprimer la réalité, il ne faudra pas la considérer comme un rapport de convenance ou de disconvenance entre deux idées, ou entre un individu et une idée. La proposition conditionnelle a le mérite de dire clairement que si tel être concret possède telle qualité, il en possède aussi une autre, ou que, si un fait est donné, un autre est donné en même temps. S’il fait jour, il y a de la lumière ; si Socrate est homme, il est mortel. Ensuite ces propositions ont l’avantage d’être par elles-mêmes des inférences. Les propositions simples et catégoriques ont leur utilité dans la vie, et on les mentionne à leur place dans la logique stoïcienne : mais elles n’ont pour ainsi dire aucun rôle dans la logique proprement dite. Elles constatent des réalités directement perçues : or la logique va du connu à l’inconnu, du visible à l’invisible : elle est une science d’inférences. Les propositions conditionnelles sont la forme la plus naturelle et la plus simple de l’inférence : c’est avec elles que commence la logique.

Il suit de là une première conséquence fort importante : c’est qu’il n’y a plus lieu, en logique, de tenir compte de la quantité des propositions. Nous voyons bien que, pour faire des descriptions exactes, les stoïciens ont distingué des ὡρίσμενα, des ἀόριστα, des μέσα (Sext., M. VIII, 99 ; Diog., 70) : mais nous voyons aussi que cette distinction n’est d’aucun usage dans leur logique. Pour la même raison, ils ont modifié la terminologie d’Aristote sur l’opposition des propositions, entendu autrement que lui l’opposition des contradictoires et des contraires, donné un autre sens aux mots ἀντικείμενα et ἐναντίον (Sext., M. VIII, 89 ; Diog., 73).

C’est encore pour la même raison que dans la logique stoïcienne le syllogisme conditionnel remplace ordinairement le syllogisme catégorique. Par la manière dont ils formulent leurs raisonnements, les stoïciens ont échappé à la nécessité de résoudre une question qui a embarrassé les logiciens de toutes les époques, celle de savoir si le syllogisme doit