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LA LOGIQUE DES STOÏCIENS

44, 4 : ὡς δύο ἡμῶν ἕκαστος ἐστιν ὑποκείμενα, τὸ μὲν οὐσία, τὸ δὲ [ποιὸν] ; cf. Dexipp., in Categ., 12, 15). En d’autres termes, il peut bien y avoir deux individus semblables : il n’y a nulle part identité. Il n’y a que des individus. La difficulté si grande que nous trouvons à concilier les deux propositions essentielles de la philosophie d’Aristote : « Il n’y a de science que du général ; l’individu seul existe réellement, » a été résolue d’une façon très simple par les stoïciens : ils ont supprimé la première proposition. Ils n’ont gardé que la seconde, en quoi ils sont bien d’accord avec une partie très importante du système d’Aristote, mais non pas à coup sûr la partie du système où se trouve la logique. S’il n’y a dans la réalité que des individus, la science, et en particulier la logique, ne doit avoir affaire qu’à des individus. On peut dire avec Trendelenburg (Hist. Beitr., I, p. 322) que le ποιόν joint à οὐσία correspond à l’εἶδος d’Aristote comme principe formel : mais il n’a plus rien de commun avec l’idée, avec le concept, tel que l’avaient admis tous les socratiques. L’opposition des deux théories est bien indiquée par Sextus (P., II, 212). Aussi voyons-nous que dans la théorie de la définition, telle que l’ont formulée Chrysippe (Diog., 60, ἰδίου ἀπόδοσις) et Antipater (λόγος κατ’ἀνάλυσιν ἀπαρτιζόντως ἐκφερόμενος) il n’est plus question de genre, ni d’espèce, ni d’essence. La définition est l’énumération des caractères propres à chaque être. Elle n’indique pas la différence spécifique : elle compte les différences. Elle exprime séparément ce que le nom exprime en totalité (Simplic., Categ., 16, β), c’est-à-dire qu’elle est toute nominale. Elle reste, d’ailleurs, une proposition convertible (Bekk., Anecd., p. 643). Au τὸ τί ἦν εἶναι d’Aristote on substitue avec Antisthène τὸ τί ἦν (Alex., Top., 26). L’homme est défini ζῶον λογικὸν νοῦ καὶ ἐπιστήμης δεκτικόν (Sext., P., II, 211 ; M., VII, 226). Et la théorie de la division est toute semblable. Il n’y a pas de division qui soit fondée sur la classification des êtres : c’est pourquoi les stoïciens admettent tant de sortes de divisions (Zeller, IV, p. 90, 2).

La théorie de la proposition présente cette particularité fort significative qu’il s’agit presque toujours de propositions composées, conditionnelles ou disjonctives (mais ces dernières se ramènent aisément aux premières) ; la proposition par