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PHILOSOPHIE ANCIENNE.

qu’il achève, il est un repos plutôt qu’un mouvement. Épicure, dans sa théorie du plaisir constitutif ou en repos, s’appropriera cette vue d’Aristote en l’adaptant à son système.

Après avoir distingué les différentes espèces de plaisir, il faut, conformément à la méthode indiquée plus haut, faire le même travail à l’égard des sciences et de l’intelligence. Il y a plusieurs espèces de sciences, et, de même qu’on a distingué des plaisirs purs et des plaisirs mélangés, il faut discerner les sciences qui dépendent de l’expérience et s’acquièrent par routine, de celles qui dépendent de la raison et ont pour objet l’être véritable (57, B).

Parmi les premières on comptera l’arithmétique usuelle, l’art de compter tel que le pratiquent les marchands, la médecine, l’art militaire. La musique instrumentale, avec tout ce qu’elle comporte d’incertitude et d’à peu près, peut être prise pour type des connaissances de cet ordre. Les autres sciences plus pures sont : d’abord l’architecture, parce qu’elle suppose l’emploi de la règle, du compas ; l’arithmétique et la géométrie, telles que l’entendent les philosophes, très différentes des sciences usuelles, en ce qu’elles considèrent toujours des unités ou des quantités identiques ou de même nature ; enfin et surtout la dialectique, qui domine et règle toutes les autres connaissances. Sauf quelques différences de détail, nous retrouverons ici une classification des sciences tout à fait semblable à celle qui est présentée dans le VIIe livre de la République et animée du même esprit.

Les différentes sortes de connaissance et les différentes espèces de plaisir étant maintenant mises en présence, le moment est venu de décider s’il faut les accueillir toutes indistinctement ou faire un choix. Platon, « comme un portier pressé », laisse passer toutes les sciences, non seulement les sciences exactes qui ont pour objet l’Être immuable, mais encore les sciences usuelles ou techniques, telles que la médecine ou la musique, quoiqu’elles soient pleines de conjectures. C’est qu’en effet elles sont indispensables au sage obligé de vivre en ce monde, ne fût-ce qu’afin de trouver son chemin pour rentrer chez lui (61, A ; 62, A, B, C). Mais il en est tout autrement des plaisirs. Il faudra rigoureusement exclure