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XV
INTRODUCTION

méthode, le style de l’ouvrage, qui est tout ordre et mouvement, a aussi la plénitude et le relief : souple par surcroît et délicatement nuancé quand il s’agit de recomposer, au lieu d’une théorie, une physionomie. Les beaux portraits, aux touches vives et aux teintes fines, que Brochard a tracés de Pyrrhon et de Carnéade !

Tout en se plaisant à indiquer les précurseurs lointains du scepticisme, Brochard savait se défendre d’en accroître confusément le nombre. Il distinguait catégoriquement du scepticisme les formules de doute qui chez un Empédocle, un Anaxagore, un Démocrite, ne visent que des modes particuliers de connaissance ou des prétentions à une science trop parfaite. Les sophistes certes préparent les sceptiques ; mais à la négation de la possibilité de la science ils donnent volontiers un fondement dogmatique, et ils ont été plus ou moins conduits à requérir la réforme des institutions et des mœurs ; ils ne sont ni en possession, ni à la recherche d’un instrument dialectique approprié à leurs thèses. Les sceptiques au contraire vont au doute par esprit de renoncement ; ou encore ils abandonnent la pratique à l’empire de la nature, de la coutume et de la loi pour se retrancher dans des questions théoriques et se forger des moyens de défense et de discussion en accord avec leur attitude. Au reste, les sceptiques se classent selon divers types, et l’histoire de la sophistique peut se diviser en quatre parties : le scepticisme pratique, représenté par Pyrrhon et Timon, le probabilisme, représenté par la Nouvelle Académie, le scepticisme dialectique, représenté par Énésidémie et Agrippa, le scepticisme empirique, représenté par Sextus Empiricus. Pour ce qui est de Pyrrhon, Brochard incline plutôt vers les renseignements de Cicéron et de la tradition académique que vers ceux de la tradition proprement sceptique ; il montre fortement en lui non un disputeur qui s’arme contre la science, mais un sévère moraliste, las au contraire des vaines disputes, qui ne conclut au doute que pour s’être reposé dans le détachement et l’indifférence,