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PHILOSOPHIE ANCIENNE

de place dans le Philèbe qui traite une question de psychologie morale, dans le Timée qui est un traité de physique, dans les Lois qui sont un traité de droit civil et criminel. L’Idée ou l’Être, la participation, le devenir, telles sont les trois étapes de la pensée platonicienne auxquelles correspondent trois groupes de dialogues.

S’il en est ainsi, peut-on dire avec M. Lutoslawski que Platon soit autant au moins qu’Aristote, le fondateur de la logique ? Il y a ici encore, semble-t-il, une part de vérité et quelque exagération. On peut dire que, par sa doctrine de la participation, en montrant que les Idées ont entre elles certains rapports et peuvent, comme les lettres de l’alphabet, se combiner entre elles selon certaines lois qui sont l’objet même de la science ou de la dialectique, Platon a fondé la théorie du jugement et montré à l’encontre des Mégariques comment on peut affirmer un prédicat d’un sujet. En ce sens il a créé une partie importante de la logique ; mais cette science n’a été définitivement constituée que le jour où la doctrine de Platon a été continuée par son illustre disciple. Pour que la logique, distincte de la dialectique, existât définitivement, il fallait joindre à la théorie du jugement la distinction de la compréhension et de l’extension, la théorie de la définition et de la division, surtout celle du raisonnement et de la démonstration. Socrate a ébauché la théorie des idées, Platon a fait celle de la proposition, Aristote seul a achevé la logique.

Mais il faudrait, pour justifier pleinement ces assertions, de longues recherches et de subtiles discussions ; ce n’est pas ici le lieu de les entreprendre ; aussi bien il n’est pas question de tout cela dans les Lois. Tout ce que nous nous sommes proposé dans le présent travail, c’est de montrer que dans sa vieillesse Platon n’a pas désavoué les doctrines de son âge mûr ; il est demeuré fidèle à lui-même. On pourrait faire le même travail pour les dialogues de la même période, pour le Timée et le Philèbe notamment. La conclusion serait la même, et on retrouverait ainsi, d’un bout à l’autre de l’œuvre de Platon, cette unité que le philosophe cherchait en toutes choses, qu’il considérait comme le principe de toute perfection et qu’il ne séparait pas du bien lui-même.