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LES « LOIS » DE PLATON ET LA THÉORIE DES IDÉES

avoir participé ; ou du moins, dans le cas contraire, tu pourras être assuré de te faire une réputation de courage, à laquelle n’atteindra aucun de ceux qui naîtront après toi. » Cette théorie de l’éducation de laquelle tout dépend en dernière analyse, Platon ne l’expose pas ici. Il se borne à dire qu’il faut l’entreprendre : « Mégille, — Mon cher Clinias, après tout ce que nous venons d’entendre il faut ou abandonner le projet de notre État, ou ne pas laisser aller cet étranger, mais l’engager au contraire, par toutes sortes de moyens et de prières, à nous seconder dans cette entreprise. — Clinias, — Tu dis très vrai, Mégille, c’est aussi ce que je veux faire, aide-moi de ton côté. — Mégille, — Je t’aiderai. » C’est sur ces mots que se termine le dialogue. N’y voit-on pas clairement que toute la doctrine politique qui vient d’être exposée ne trouve son véritable sens et ne s’achève que si on la rattache à une théorie de l’éducation ou à une science plus haute, celle-là même à laquelle on vient de faire allusion et qui n’est autre que la dialectique ou la théorie des Idées. C’est donc au fond la même doctrine qui est exposée dans la République ; mais tandis que, ce dernier dialogue ayant d’abord présenté la théorie des Idées, Platon en déduit les conséquences et procède synthétiquement, dans les Lois, prenant pour point de départ des lois positives et données en quelque sorte dans l’expérience, le philosophe s’élève analytiquement jusqu’aux principes qui les dominent, et il amène progressivement ses deux interlocuteurs ignorants à entrevoir une science supérieure et à en proclamer la nécessité. Bien que la théorie des Idées, sans être expressément désignée, apparaisse ainsi à l’arrière-plan dans plusieurs passages des Lois, il faut reconnaître cependant que, dans l’ouvrage tout entier et aussi dans le Timée, ce qui apparaît plutôt au premier plan, c’est la théorie de l’âme et des dieux. Le Xe livre tout entier, où Platon expose avec le plus de détails les principes philosophiques nécessaires à sa Politique, est consacré à démontrer l’antériorité de l’âme sur le corps et l’existence de la Providence des dieux. Il paraît ainsi que l’âme et les dieux, plutôt que les Idées, sont désormais les premiers principes de la philosophie platonicienne. Voilà pourquoi les nouveaux interprètes ont été amenés à croire que Platon avait aban-