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PHILOSOPHIE ANCIENNE

sans doute qu’il faut interpréter ce passage où Platon, pressé de s’expliquer par ses interlocuteurs, déclare que ce n’est pas le moment ni le lieu. Il s’agit de constituer un Conseil nocturne de magistrats. Platon, en raison de sa grande expérience (968, B) : διὰ τὴν περὶ τὰ τοιαῦτ’ ἐμπειρίαν τε καὶ σκέψιν γεγονυῖάν μοι καὶ μάλα συχνήν, propose à Clinias et à Mégille de les seconder, et ils s’y prêtent de grand cœur. Mais, au moment d’entrer dans cette voie où un Dieu semble les conduire et de formuler des lois, Platon se récuse ou plutôt ajourne sa réponse (968, C) : « Mégille et Clinias, il n’est pas possible encore de faire des lois sur cet objet, avant que les membres de ce Conseil suprême aient été formés : alors il sera temps de fixer l’autorité qu’ils doivent avoir. Pour le présent, si nous voulons que l’entreprise réussisse il faut la préparer par l’instruction et de fréquents entretiens… Nous commencerons d’abord par faire choix de ceux qui seront propres à la garde de l’État, par leur âge, leurs connaissances, leur caractère et leur conduite. Après quoi, pour les sciences qu’ils doivent apprendre, il n’est aisé ni de les inventer soi-même ni d’en prendre leçon d’un autre qui les aurait inventées. De plus, il serait inutile de fixer par des lois le temps où l’on doit commencer et finir l’étude de chaque science : car ceux même qui s’appliquent à une science ne peuvent savoir au juste le temps nécessaire pour l’apprendre que quand ils se sont rendus habiles dans cette science. C’est pourquoi, puisque tout cela n’en sera pas moins obscur, quand nous en parlerions à présent, il est inutile d’en parler, et cette obscurité vient de ce que tout ce qu’on en pourrait dire avant le temps n’éclaircirait rien. » Il reste seulement à indiquer l’éducation qu’il faut donner au futur philosophe. C’est une tâche difficile et pleine de périls, il n’en est pas selon Platon de plus glorieuse : « Si tu réussis, dit-il à Clinias, à donner une bonne forme de gouvernement à la République des Magnètes…, tu acquerras une gloire immortelle pour y

    la dialectique dont il est question dans les Lois est toute différente et n’a pour objet que des notions élaborées par l’entendement humain, il faudrait le prouver directement par des textes précis. Ce sont ces preuves que nous avons vainement cherchées dans la discussion, d’ailleurs si savante, de M. Lutoslawski.