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INTRODUCTION

Une qualité, parmi tant d’autres, se révélait avec éclat dans cette thèse. Avant de développer et de défendre la théorie de l’erreur qu’il adoptait, Brochard exposait et discutait diverses théories, celle de Platon, celle de Descartes, celle de Spinoza. Cependant la restitution qu’il en opérait n’était nullement faussée ni par le parti qu’il allait prendre contre elles, ni par le parti qu’il comptait en tirer : elle était pleinement et rigoureusement impartiale ; soutenue, avec cela, par l’intelligence la plus délicate des idées constitutives de ces théories et de leur enchaînement. En même temps, dans sa thèse latine De assensione Stoici quid senserint, il dégageait d’une critique très attentive des témoignages le sens de la théorie stoïcienne de la συγϰατάθεσις, et il en établissait fermement les rapports avec les assertions du stoïcisme sur le critère de la vérité, les passions et la volonté. S’il signalait pour les Stoïciens, comme il l’avait fait pour Descartes, le désaccord qu’il croyait voir entre leur conception du libre assentiment et le caractère catégoriquement intellectualiste d’une partie de leur système, il se montrait assez dépris de sa propre logique pour ne pas l’imposer de force au contenu de la doctrine qu’il s’était chargé de reconstituer : ce qui était l’un des signes irrécusables de sa vocation d’historien de la philosophie.

Pendant un temps une sorte d’intimité a persisté entre ses études d’histoire de la philosophie et ses convictions criticistes. À l’exemple beaucoup plus d’ailleurs qu’à la façon de Renouvier, tempérant le rationalisme par des concessions aux titres les plus justes de la philosophie de l’expérience, il montrait dans la logique de Stuart Mill un très légitime souci de rapporter la pensée du réel, de démêler les antécédents psychologiques des propositions et des raisonnements, mais en même temps une radicale impuissance à expliquer la nature et à établir le fondement de la preuve[1]. Au même

  1. La Logique de Stuart Mill, p. 384-445 de ce volume.