Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
LA THÉORIE PLATONICIENNE DE LA PARTICIPATION

la thèse soutenue par les amis des Idées ; mais qu’ils sont aussi des réalités, qu’ils existent et font partie non seulement du monde sensible, mais encore du monde réel ou intelligible ; et c’est encore ce qu’attestent les expressions mêmes de Platon (249, B) : Καὶ τὸ κινούμενον δὴ καὶ κίνησιν συγχωρητέον ὣς ὄντα.

La doctrine que soutient ici l’auteur du Sophiste n’implique donc à aucun degré l’abandon de la théorie des Idées, ni même une modification à cette théorie. Les Idées prises en elles-mêmes sont toujours ce qu’elles sont dans tous les dialogues, séparées et immuables, mais elles peuvent aussi sous un autre point de vue se rapprocher et se mêler. Il est surprenant qu’on ait pu se méprendre sur ce point si l’on fait attention que dans le texte même dont il s’agit Platon affirme, comme partout, que la connaissance suppose deux conditions : un objet immuable qui est connu (τὸ κατὰ ταὐτὰ καὶ ὡσαὺτως καὶ περὶ τὸ αὐτὸ δοκεῖ σοὶ χωρὶς στάσεως γενέσθαι ποτ' ἂν ; Οὐδαμῶς. — 249, B. C), et la connaissance même qui est un mouvement, et qu’il faut combattre avec une égale ardeur, si on veut sauver la science, ceux qui disent que tout est en mouvement et ceux qui disent que tout est en repos ; il ne s’agit donc pas d’abandonner la thèse suivant laquelle il y a des choses absolument en repos. En pénétrant dans le monde réel, le mouvement et l’âme n’altèrent pas la nature des Idées. Enfin ce qu’il a voulu prouver par là, c’est que l’être, pris dans son ensemble, participe au non-être ; en d’autres termes, introduire le mouvement et la pensée dans le monde réel comme l’exige le sens commun, c’est, qu’on le veuille ou non, introduire un élément de contradiction ; et ainsi se vérifie cette assertion si souvent répétée par Platon : que l’idée de l’être ne présente pas moins de difficulté que l’idée du non-être, et c’est ce que nous avons déjà rencontré dans l’analyse du Parménide.

Nous pouvons maintenant revenir à la question principale et continuer à chercher la nature du Sophiste. Ni le repos ni le mouvement ne résultent de la nature de l’être ; cependant il faut de toute nécessité que l’être soit en repos ou en mouvement, car c’est un point sur lequel Platon ne transige pas : il n’y a pas de milieu entre ces deux termes. Quelle que soit la difficulté que présente une telle affirmation, on ne doit