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PHILOSOPHIE ANCIENNE

logue. Si on entend l’unité au sens absolu, c’est-à-dire sans participation a l’être, elle sera absolument indivisible, n’aura point de parties ; elle ne sera pas un tout ; elle n’aura ni commencement, ni milieu, ni fin ; elle n’aura aucune quantité. Mais il ne faudra pas dire alors, comme le fait Parménide, que l’être est une sphère bien arrondie dont toutes les extrémités sont à égale distance du centre, et qu’il est un tout ; du moins si on affirme de l’un toutes ces déterminations, c’est qu’on le considère non plus en lui-même, mais en tant que participant à l’être. Rien alors, en effet, n’empêche que l’un ait des parties et qu’il soit un tout ; mais en s’exprimant ainsi, en disant que l’un n’a que l’unité d’un tout, et non plus comme tout à l’heure l’unité absolue, il ne faut pas se dissimuler qu’on lui refuse quelque chose qui appartient cependant à l’être, on le limite et on le restreint ; bref on affirme en quelque manière qu’il n’est pas, puisqu’il lui manque quelque chose. Nous voilà donc obligés, si nous voulons donner un sens à la formule de Parménide, de dire que l’être n’est pas, et nous sommes ainsi en formelle contradiction avec nous-mêmes et avec lui.

D’autres difficultés surgissent si, au lieu de considérer ceux qui regardent l’être comme un ou multiple, on s’attache à ceux qui le définissent comme corporel ou incorporel. Les fils de la terre, et par là il faut entendre probablement les partisans de Démocrite, ne reconnaissent comme existant que ce qu’ils peuvent percevoir à l’aide de leurs sens, voir de leurs yeux ou presser de leurs mains ; on leur demandera cependant si l’âme, la justice, la sagesse sont des corps. Ils répondront peut-être affirmativement en ce qui concerne l’âme, mais ils n’oseront pas dire que les vertus soient visibles ou tangibles. Il faut pourtant qu’elles soient quelque chose, puisqu’elles sont des qualités dont la présence ou l’absence modifie la nature des âmes. Dès lors, si on attribue l’être à autre chose que le corps, il faudra dire ce qu’est cet être, et Platon leur propose d’accorder provisoirement (et il fait la même réserve pour lui-même) que l’être est tout ce qui est capable de produire ou de subir une action, une puissance.

En opposition complète avec les précédents, d’autres philo-