Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
PHILOSOPHIE ANCIENNE

ne serait coupable que s’il avait emporté son secret avec lui : le Parménide ne serait un tissu de sophismes que si son auteur n’avait pas écrit le Sophiste.

Cependant la solution si simple donnée par ce dernier dialogue ne s’impose pas d’elle-même ; il faut la justifier par une argumentation rigoureuse et résoudre les difficultés qu’elle soulève. Telle est la tâche que Platon s’est donnée dans le Sophiste.

II

Le Sophiste a pour objet de démontrer cette proposition paradoxale que le non-être existe ; à cette condition seule on pourra dire que l’erreur est possible et qu’il y a des sophistes.

L’existence du non-être une fois prouvée, le problème de l’erreur sera résolu : l’erreur consistera à dire autre chose que ce qui est réellement puisqu’il y a du non-être, et cependant, à dire quelque chose puisque le non-être existe. Mais il faudra pour cela que le non-être soit quelque chose d’intermédiaire entre l’être et le non-être absolu, manifestement contradictoire à l’être. Il faudra que le non-être, puisqu’il est réel, soit un être, et, puisqu’il est non-être, qu’il soit autre chose que l’être. Il sera un autre être.

Comme le Parménide, le Sophiste se présente d’abord sous la forme d’un exercice logique : mais tandis que le Parménide, en cherchant les conséquences qui résultent d’une hypothèse, donne l’exemple d’une sorte de déduction, le Sophiste nous montre un autre aspect de la méthode platonicienne, déjà indiqué très clairement dans le Phèdre : la méthode de division. Mais, dans le deuxième dialogue comme dans le premier, l’exercice dialectique qui est en apparence le but principal est en même temps un argument positif à l’appui de la thèse que l’auteur veut faire prévaloir. Le Parménide formule une objection très grave contre la participation ; le Sophiste donne un exemple particulier de ce que doit être la participation, avant même que celle-ci soit définie et que la possibilité en soit établie. L’exemple du pêcheur à la ligne nous montre ce que doit être la dichotomie qui divise un