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LA THÉORIE PLATONICIENNE DE LA PARTICIPATION

est sans participer à l’être, on ne peut rien affirmer ni de lui ni des autres choses ; si l’un n’est pas et cependant participe à l’être, on peut tout affirmer de lui et des autres choses ; s’il n’est pas sans participer à l’être, on ne peut rien dire ni de lui ni des autres choses ; en d’autres termes, posez la participation d’une Idée quelconque à l’être, et tout est vrai ; niez cette participation, et rien n’est vrai. La participation, de quelque manière qu’on l’entende, est donc tout à fait impossible, et avec elle s’écroule la théorie des Idées. Nous avions donc raison de dire que la deuxième partie du Parménide n’est pas seulement un exercice dialectique : elle formule contre la théorie des Idées une sixième objection, la plus formidable de toutes.

La double conclusion négative à laquelle Platon est conduit par cette discussion est d’ailleurs d’accord avec les thèses soutenues par ses adversaires. Protagoras disait aussi que l’erreur est impossible, les Cyniques avec Antisthène, et les Mégariques soutenaient qu’on ne peut affirmer aucun attribut d’aucun sujet. Platon a seulement démontré ce que ses adversaires se bornaient à affirmer pour des raisons différentes.

Toutefois il est impossible que Platon en soit resté là, et comme nous l’avons déjà fait remarquer, la manière même dont il présente les objections du Parménide, et surtout la cinquième, atteste qu’il ne les considère pas comme insolubles, et tout autorise à croire qu’il possède déjà par devers lui cette solution.

Quel est donc le mot de cette énigme si compliquée ? La réponse se trouve très clairement indiquée dans un passage du Sophiste, dans lequel il nous paraît impossible de ne pas voir une allusion directe au Parménide (251, D) : « N’attribuerons-nous l’être ni au mouvement ni au repos, ni aucune autre chose à aucune autre chose, et admettrons-nous dans nos discussions qu’aucune ne peut entrer en participation avec une autre ; ou bien identifierons-nous toutes choses parce qu’elles peuvent être en communauté les unes avec les autres, ou bien dirons-nous que les unes se combinent avec les autres, et les autres, non ? Lequel de ces trois partis, Théétète, dirons-nous qu’ils prendront ?… »