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IX
INTRODUCTION

qu’elle avait exercée[1]. Elle est telle cependant que le temps qui s’écoule ne saurait en diminuer la signification essentielle ni le prix.

À l’École normale, Brochard avait eu pour maître M. J. Lachelier. Nul doute que, comme ses camarades, il n’ait éprouvé les bienfaits d’un enseignement qui rajeunissait la philosophie française par la plus pénétrante et la plus originale intelligence de la grande tradition philosophique. Au sortir de l’École, comme plusieurs de ses camarades, suivant une direction expliquée par M. L. Dauriac[2], il adhéra à la doctrine de Ch. Renouvier[3]. Mais dans cette adhésion il ne fut point disciple passif ni, même dans les débuts, entièrement docile. Il prit du néo-criticisme français ce qui convenait à ses préoccupations et à son tour d’esprit, ce qui permettait de donner leur essor à ses tendances propres ; il négligea le reste. La vivante souplesse de son intelligence ne s’accommodait pas sans doute entièrement de ce qui, dans la philosophie de Renouvier, affectait des formes d’une rigidité quasi-scolastique. On ne voit point par exemple qu’il soit entré de plain-pied dans la doctrine des catégories, et peut-être estimait-il que cette façon d’établir en les fixant des règles, au fond subalternes, de l’intelligence était en désaccord avec la théorie qui conférait au libre arbitre un rôle dans la certitude. C’était cette dernière théorie qu’avant tout il faisait sienne ; il la développa et la défendit dans sa thèse de l’Erreur, première manifestation importante de son activité et de ses préférences philosophiques.

Renouvier, dans ses Essais de Critique générale, s’était appliqué à montrer que la certitude n’est pas et ne peut pas

  1. Discours de MM.  A. Croiset, Luchaire et Bayet, Revue internationale de l’enseignement, 1907, t. II, p. 546-552. — V. Delbos, Victor Brochard, Revue universitaire, 1907, t. II, p. 411-413. — L. Dauriac, Annuaire de l’association des élèves de l’École normale, 1908, p. 49-58.
  2. Croyance et réalité, Introduction.
  3. F. Pillon, Une conférence sur le progrès, Critique philosophique, 6e année, 1877, t. I, p. 173-174.