Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
PHILOSOPHIE ANCIENNE

corps, semblable au vieux tisserand, qui, avant de mourir, use plusieurs habits.

Il est encore question de l’immortalité de l’Âme au livre Xe de la République. Et voici, en abrégé, comment Platon s’exprime. Toute chose a son mal et son bien. Le mal est ce qui nuit à une chose et finit par la dissoudre. Si donc nous trouvons dans la nature une chose que son mal ne pourrait faire périr, nous serons assurés que cette chose est impérissable. Cette chose est l’âme. De même que la rouille est le mal du fer et de l’airain, de même l’injustice est le propre mal de l’Âme, et c’est, on peut le dire, à préparer cette conclusion que tout le dialogue de la République est destiné. Mais, dans le monde où nous sommes, si l’injustice rend l’âme mauvaise, il ne paraît pas qu’elle puisse l’altérer et la dissoudre. Si l’injustice pouvait faire périr le méchant, elle ne serait pas une chose si terrible. Il suffirait de lui donner accès dans son âme pour être délivré de tout mal. Or on voit à chaque instant des hommes injustes chez lesquels l’âme conserve toutes ses facultés de finesse, d’habileté, de pénétration. L’injustice tue les autres et elle conserve plein de vie celui en qui elle a fait sa demeure. L’âme ne pouvant être détruite par son mal est donc essentiellement indestructible.

Telles sont, en raccourci, les preuves platoniciennes de l’immortalité de l’âme. La doctrine que justifient ces preuves fait partie intégrante de la philosophie de Platon. Cette immortalité, Platon l’affirme avec la même assurance que si la théorie des Idées se trouvait en cause. Il est certain que l’âme humaine est impérissable et qu’il est une vie future.

Quand il s’agit de déterminer cette vie future, Platon recourt au mythe. Les trois mythes du Gorgias, du Phédon, de la République sont destinés, non pas à résoudre un problème, mais à illustrer en quelque manière la conception métaphysique de la vie à venir. Ici Platon se rend compte de la part qu’il abandonne à l’imagination dans le développement de ces mythes. À ce point de vue, les dernières paroles de Socrate dans le Phédon sont profondément significatives. Socrate n’assure point que les choses aient lieu comme il vient de le dire. Mais ce sont là des espérances