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PHILOSOPHIE ANCIENNE

παρὰ Ἀριστοφάνει, οὐδὲ εἴ τις ἄλλος γελοῖος ἔστι τε ϰαὶ βούλεται (213, C). Si, un peu plus loin (218, A), Aristophane est compté avec Phèdre, Pausanias, Éryximaque et Agathon, parmi les amis de la philosophie devant qui on peut dire ce qu’on ne dirait pas devant la foule, c’est peut-être simplement parce qu’il était un des convives, à moins que ce ne soit encore une mordante ironie. Aristophane peut aussi prendre sa part à l’allusion jetée en passant par Platon, lorsque, après avoir parlé du discours de Socrate où il est sans cesse question de forgerons, de corroyeurs, de cordonniers, il ajoute qu’il provoque le rire des sots et des ignorants ἄπειροσς ϰαὶ ἀνόητος ἄνθρωπος ϰαταγελάσειε (221, E). — Enfin le portrait de Socrate se termine par une allusion directe, une citation expresse des Nuées, sur laquelle nous reviendrons tout à l’heure et qui suffirait à elle toute seule à mettre l’esprit en éveil et à révéler l’intention polémique du dialogue.

Pour mieux atteindre son adversaire Platon se place sur son propre terrain. Il lui emprunte ses propres armes. C’est sur le mode comique qu’il présente l’apologie de Socrate ; de même qu’il a parodié Lysias dans le Phèdre, et les sophistes dans la première partie du Banquet, c’est maintenant Aristophane lui-même qu’il entreprend en quelque manière de parodier.

De là, sans doute, l’introduction dans le dialogue du personnage d’Alcibiade. Plusieurs motifs ont pu déterminer Platon à prendre Alcibiade pour porte-parole. C’était, nous l’avons vu, une occasion de répondre aux adversaires de Socrate qui faisaient remonter jusqu’à lui la responsabilité des fautes de son disciple. C’était, en outre, le moyen de faire accepter un récit scabreux et des détails intimes, utiles à la fin que l’auteur se proposait, mais qu’on n’aurait pu tolérer dans la bouche d’un autre personnage qu’Alcibiade ivre. Mais c’était surtout un moyen facile de répondre à Aristophane sur le ton de la comédie et de le payer de sa propre monnaie. Le poète philosophe a d’ailleurs bien soin de nous avertir que toutes ces plaisanteries cachent un fond sérieux. Nous avons montré tout à l’heure quelles précautions il a prises pour ne laisser à ses lecteurs aucune illusion sur ce point.

On peut s’assurer, en examinant attentivement le portrait