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SUR LE « BANQUET » DE PLATON

nous l’avons déjà indiqué, qui est en scène, il faut remarquer qu’à aller au fond des choses, et en un certain sens, la pensée de Platon ne diffère pas de celle de son maître. Comme lui il pense que la vertu, au moins sous sa forme la plus haute, est une science et qu’elle peut s’enseigner. Il s’éloigne de lui seulement par la manière dont il conçoit cet enseignement, et en faisant voir qu’il ne se borne pas à des discours et à des démonstrations. Encore faut-il ajouter que si Socrate n’avait pas connu distinctement la véritable définition de la philosophie et de l’amour, il l’avait entrevue et devinée comme par une sorte d’instinct ou d’inspiration divine. Il avait fait plus et mieux encore ; il l’avait mise en pratique, et au précepte il avait joint l’exemple. Platon pouvait légitimement lui attribuer toute cette théorie, parce qu’en dernière analyse c’est dans la méthode et dans la vie de Socrate qu’il trouve le modèle du véritable enseignement philosophique.

III

Le septième discours du Banquet, celui d’Alcibiade, célèbre l’éloge, non plus de l’amour, mais de Socrate (214, E), et il semble que ce soit un sujet tout nouveau. Il faut convenir, d’ailleurs, que les hautes spéculations et les éloquentes paroles de Diotime forment avec les plaisanteries que débite Alcibiade ivre un contraste singulier. Des unes aux autres le passage est un peu brusque et le lecteur a le droit d’être un instant déconcerté. Il suffit cependant d’un peu d’attention pour voir que, si le ton est tout nouveau, le sujet au fond demeure le même, et il est assez aisé de renouer le fil en apparence rompu de la pensée de Platon.

L’éloge de l’amour devient l’éloge de Socrate, parce que Socrate est un vrai philosophe et que l’amour digne de ce nom ne va pas sans la vraie philosophie. L’éloge de Socrate devient à son tour une apologie, et cette apologie est directement dirigée contre Aristophane. C’est ce qu’il nous reste à montrer brièvement.

Le discours de Socrate a montré que la définition de