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Ô Dieu, qui nous créas ou guerriers ou poètes,
Sur la côte marins, et pâtres dans les champs,
Sous les vils intérêts ne courbe pas nos têtes,
Ne fais pas des Bretons un peuple de marchands !
 
Nature, ô bonne mère, éloigne l’Industrie !
Sur ton sein laisse encor nos enfants s’appuyer !
En fabrique on voudrait changer la métairie :
Restez, sylphes des bois, gais lutins du foyer !

La Science a le front tout rayonnant de flammes,
Plus d’un fruit savoureux est tombé de ses mains ;
Éclaire les esprits sans dessécher les âmes,
Ô bienfaitrice ! Alors viens tracer nos chemins.
 
Pourtant ne vante plus tes campagnes de France !
J’ai vu, par l’avarice ennuyés et vieillis,
Des barbares sans foi, sans cœur, sans espérance,
Et, l’amour m’inspirant, j’ai chanté mon pays.

Vingt ans je l’ai chanté ! Mais si mon œuvre est vaine,
Si chez nous vient le mal que je fuyais ailleurs,
Mon âme montera, triste encor, mais sans haine,
Vers une autre Bretagne en des mondes meilleurs !