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Encombrent le chemin et le pied de la croix ;
Les mains serrent les mains ; on cause, on s’examine :
Plus d’un œil est perçant, plus d’une langue est fine.
Chut ! la cloche a sonné, la foule entre, et chacun
Confond tous ses pensers dans le penser commun.
Voici le Kyrié, l’Épître, l’Évangile.
Tout le drame divin sur cet autel fragile
S’accomplit. Mais le prêtre ôte ses ornements,
Monte en chaire, et, de là, muet quelques moments,
Ce vieillard :

« Aimez-vous, enfants, les uns les autres,
Voilà ce que disait le plus doux des apôtres.
Après lui je dirai : Marins et paysans,
Chrétiens de toute classe, aimez-vous, mes enfants.
Ainsi vous parlerait Ève, mère des mères,
Et, serrés dans ses bras, nous nommerait tous frères…
Des frères cependant séparés, différents,
Par l’orgueil insensé de nos premiers parents,
Eux qui, sortis pêcheurs de l’unité suprême,
Nous somment d’y rentrer par le mot divin : J’aime !
Pour le bonheur commun, ô mes fils, aimez-vous !
Plus de riche orgueilleux, plus d’ouvrier jaloux !
Toujours, lorsque à l’autel s’élèvera l’hostie,
Élevez tous votre âme et n’ayez qu’une vie.
Préparés par l’amour, hommes de la cité,
Ayez donc le respect de l’hospitalité ;
Et vous, gens du pays, accueillez avec joie
Les frères que le ciel chaque été vous envoie. »
 
À ces mots, le bon prêtre ouvrit des bras tremblants.
Et chacun l’admirait sous ses beaux cheveux blancs ;