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Aussi je veux jeter aux quatre vents de Dieu,
Pour dompter leur fureur, la poudre du saint lieu.

iv

« Travaille, mon balai ! Par des vertus pareilles
Souvent j’ai dans les airs dispersé les abeilles ;
Oui, mon vieux Colomban, demain tu reviendras.
Et vous, mes trois enfants, vous serez dans mes bras ! »

— Mais dans le port d’Enn-Tell, le long de la jetée,
La foule se pressait, muette, épouvantée.
Et, voyant les éclairs bleuir, la mer bouler,
Et le ciel, d’un plomb noir, comme près de crouler.
Chacun priait ; les mains échangeaient des étreintes ;
La superstition faisait taire les craintes.
Pourtant, dès qu’un bateau sauvé rentrait au port,
Tous, en criant, d’aller effarés sur le bord :
« Mon père, est-ce bien vrai ? Parlez vite, mon père ! »
D’autres : « Avez-vous vu mon fils ? Et vous, mon frère ?
— Brave homme, apprenez-moi toute la vérité,
Suis-je veuve ? » La nuit dans cette anxiété
Se traîna sous un ciel sans lune et sans étoiles.
Grâce à Dieu, cependant, vinrent toutes les voiles ;
Tous les foyers brillaient. Un seul avait ses bancs
Vides et désolés : celui des Colombans.

Mais toi, femme de Coulm, tu combattais l’orage !
Debout sur les rochers, poursuivant ton ouvrage,
Vers l’est, vers l’occident, vers le septentrion,
Vers le sud, tu jetais une incantation :