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Et, pour sa pince au feu, la bonne mendiante,
Les mains sur les tisons et le dos courbé, chante :
Rimes de tous les temps, et de guerre et d’amour,
Elle en pourrait trouver jusqu’au lever du jour ;
Et lorsqu’un verre plein est mis près de sa chaise,
Ses yeux tout éraillés brillent comme la braise,
Les vieux airs dans sa bouche arrivent moins cassés ;
Tant que, l’heure sonnant, il faut crier : Assez !

VII

LE CHEVREUIL

Dans un bois du canton, pris dès son plus jeune âge,
Il était familier, bien qu’au fond tout sauvage :
Aux heures des repas, gentiment dans la main
Il s’en venait manger et des fruits et du pain.
On entendait sonner ses pieds secs sur les dalles ;
Puis, soudain, attiré par les forêts natales,
Il partait, défiant tous les chiens du manoir,
Et se faisant par eux chasser jusques au soir :
Alors, les flancs battants, et l’écume à la bouche,
Il rentrait en vainqueur, caressant et farouche.

Bientôt, le temps venu de ses fauves amours,
Il partit seul, errant et les nuits et les jours,
S’arrêtant pour humer, épuisé de ses courses,
La fraîcheur des taillis et la fraîcheur des sources.
Sa trace était partout dans les sentiers des bois,
Mais nul brame amoureux ne répétait sa voix !
Plutôt, des fronts armés de pointes acérées