Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et de chaque hauteur qu’illuminent les feux,
Montent avec la flamme autant de cris joyeux :
« Heureux qui des tisons emporte un peu de cendre,
La foudre sur son toit ne pourra plus descendre ;
Heureux dans les bûchers qui fait passer ses bœufs,
Les sorciers et les loups ne peuvent rien contre eux ! »
Et les filles aussi disaient dans leur langage
(Comme elles font toujours rêvant de mariage) :
« Celle qui, dans la nuit, neuf feux visitera.
Avant la fin de l’an saint Jean la marira. »
Et les voilà soudain, biches des plus ingambes.
Par les bois, par les prés courant à toutes jambes.
Dans cette ardente course aux champs de Lo’-Théa,
La plus lente en chemin n’était point Renéa,
Car Tan-gui lui criait de sa voix tendre et chère :
« Si tes pieds vont vers moi, Renéa, sois légère ! »

Pour le bûcher construit par le fermier Rî-Wall,
Dans toute la paroisse il n’eut point son égal :
Énorme entassement de genêts et de lande ;
Hommes, femmes, enfants, avaient mis leur offrande ;
Puis, quittant le pays, les joyeux sabotiers
Jetèrent pour adieu leurs copeaux par milliers ;
Tout à l’entour priaient les figures livides
Des pauvres ; pour les morts des places restaient vides.
« Ah çà ! dit une vieille agitant son menton.
Demeuré jusque-là muet sur un bâton.
Ce village est le mien ! Depuis maintes années
J’y trouve un gîte sûr au bout de mes tournées ;
Si je veux lui payer ma dette, il est grand temps :
Sur le coup de minuit, mes amis, j’ai cent ans !
Vous donc, qui sans dégoût pour mes pauvres guenilles,