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Sa main en tous les sens jette des gouttes d’eau.
C’est là, depuis vingt jours, que son enfant repose :
Fanche, tout son bonheur, lui si gai, lui si rose.
Si charmant à courir autour d’elle, à jaser,
Que sans cesse il fallait lui donner un baiser.
Le jour qu’il vint au monde, ah ! de quelle espérance
Furent payés neuf mois, neuf longs mois de souffrance !
De quel lait abondant elle le nourrissait,
Et comme elle était fière alors qu’il grandissait !
Ce béguin à quartiers, brodé d’or et de soie,
D’un taffetas brillant et moiré qui chatoie,
Elle-même avait fait ce béguin merveilleux
Qui, surmonté d’un gland, attirait tous les yeux…
Mais la mort a ravi la blonde créature !
Ce qui charmait la mère aujourd’hui la torture.
Ce bonnet, à l’autel elle veut donc l’offrir :
Que ne peut-elle aussi sur le tombeau mourir !

Pourtant, par un effort pieux, domptant sa peine,
Elle entre dans l’église, et lentement se traîne
Vers l’autel où souvent, dans la même saison,
Heureuse elle est venue avec son nourrisson ;
De nouveau, sur la pierre elle s’incline et prie
Le bel enfant Jésus et la Vierge Marie…
« Comme vous, Vierge sainte, oh ! pourquoi n’ai-je, hélas !
Mon fils paisiblement assis entre mes bras,
Souriant, et paré de la douce auréole
Que tous les innocents ont avant la parole ?
Déjà veuve et le cœur percé de bien des coups,
Devais-je perdre encor l’enfant après l’époux,
Lui qui me consolait, et, tout joyeux de vivre,
Dans son chemin fleuri m’engageait à le suivre ? »