Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je fermais ma maison ; je la rouvre, seigneur ;
Je retourne au travail avec joie et vaillance ;
Grâce au ciel, j’ai toujours mes poids et la balance.
Monsieur, consentez-vous, car c’est tout cordial,
Si je revêts ainsi l’orgueil commercial ?
— Oui, j’accepte, Madame. — Oui, j’accepte, ma mère,
Répliqua le marin. Puis de sa voix si fière :
« Pour qui va sur les flots avec Duguay-Trouin,
Dès qu’arrive l’Anglais, le Breton n’est pas loin. »

IV

Vingt mois s’étaient passés. Un jour, sous la charmille,
Le vieux baron, assis près de sa belle-fille,
Caressait sur la porte un enfant aux yeux bleus,
À la bouche riante et fraiche, aux blonds cheveux ;
Par instants leurs regards se tournaient vers la côte :
Tout à coup apparut au loin, sur la mer haute,
Un navire ! Il marchait lestement. L’heureux brick
Bientôt à pleine voile abordait au Croisic.
« C’est lui ! cria Suzanne. — Oh ! c’est lui ! » dit la mère.
Et, le petit enfant dans les bras du grand-père,
Les voilà haletant de courir vers le port,
Où le brun capitaine, élancé de son bord.
Les presse dans ses bras, les presse sur sa bouche,
Son père le premier (saint respect qui le touche),
Puis sa chère Suzanne ; et quand ce fut le fils
Ignoré de ses yeux, quand de ses yeux ravis
Il revit son image et celle de sa femme,
Des pleurs, des pleurs de joie inondèrent son âme !…
Le soir, riches tissus, bois de l’Inde à foison,