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« Quand je dors près de vous, mon épouse nouvelle,
Pourquoi me laisser seul ? — Sire, répondit-elle,
 
« C’est qu’à l’heure où la lune illumine les eaux,
J’aime à voir sur la mer passer les grands vaisseaux.

— Non ! ce n’est pas pour voir la mer ou les étoiles !
Ni sur les grandes eaux passer les grandes voiles !

« Çá, Madame, parlez sans leurre à votre époux :
Au milieu de la nuit pourquoi vous levez-vous ?

— Quand mon petit enfant dans sa couche repose,
J’aime à voir ses yeux clos et sa bouchette rose.

— Non ! ce n’est pas pour voir le sommeil d’un enfant
Que pieds nus de mon lit vous sortez si souvent !

— Mon vieil et cher époux, grâce pour votre dame !
Voici tout mon secret, pur caprice de femme :

« La nuit un rossignol chante en notre jardin :
Dès que la mer s’endort, lui s’éveille soudain ;

« Sur le rosier en fleur jusqu’à l’aurore il chante.
Et si douce est sa voix, si claire, si touchante ! »

La jeune dame ainsi parlait au vieux seigneur
Qui murmurait, songeant à venger son honneur :

« Mensonge ou vérité, vertueuse ou parjure,
Demain le rossignol sera pris, je le jure. »