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LE BAISER DE L’ÉTRIER
SCÈNES DE LA VIE DE GARÇON
PAR
MM. ÉDOUARD BRISEBARRE ET EUGÈNE NYON
REPRÉSENTÉ POUR LA PREMIÈRE À PARIS, SUR LE THÉÂTRE DU VAUDEVILLE, LE 19 AVRIL 1850.
PERSONNAGES,   ACTEURS.
TRISTAN
  MM. René Luguet.
GASPARD
Schey.
GEORGETTE
  Mlle Cico.
À Paris, en 1850.
Le théâtre représente un cabinet de restaurateur. Porte au fond ; une fenêtre ; une cheminée avec pendule ; table disposée pour dîner, chaises ; un petit divan.

Scène PREMIERE

GASPARD, TRISTAN.[1]

GASPARD, ouvrant la porte. Par ici, monsieur, par ici !… au numéro quatre… c’est un des meilleurs cabinets de la maison.

TRISTAN, entrant. Va donc pour le numéro quatre !… Sur quoi cette fenêtre ouvre-t-elle ?

GASPARD. Sur le jardin de feu le Palais-Royal.

TRISTAN. Très-bien !… l’aspect de la verdure, ça égaie pendant qu’on dîne… Deux couverts, un verre d’absinthe et un journal !

GASPARD. De quelle couleur ?

TRISTAN. L’absinthe ?… verte… le journal, comme tu voudras… et des cigares !

GASPARD, se disposant à sortir. Oui, monsieur Tristan.

TRISTAN, étonné, le regardant. Plaît-il ?… Eh ! mais, c’est Gaspard !… mon vrai Gaspard !… l’ancien garçon du Café-Turc !

GASPARD. Moi-même, monsieur Tristan, qui voudrais avoir autant de pièces de cent sous que je vous ai versé de petits verres !… En absorbiez-vous des liquides avec vos camarades, ces sous-officiers de spahis !

TRISTAN. Je le crois pardieu bien !… après cinq ans du soleil d’Afrique.

Air de Julie.

Dans ces déserts, où la victoire
Guide nos pas sur les pas des Bédouins,
Pour nous s’unit à la soif de la gloire
Une autre soif que l’on satisfait moins.
Comme l’œillet, la tulipe ou la rose,
Dont la chaleur flétrit l’éclat vermeil,
Le spahis, brûlé du soleil,
Pour vivre a besoin qu’on l’arrose.

(Il allume un cigare et fume.)

GASPARD. Et je l’arrosais joliment !… Ah çà, est-ce que vous avez quitté le service ?

TRISTAN. Oui, Gaspard, oui ; mais tu as donc, toi aussi, déserté la limonade ?

GASPARD. Pour rétablissement de M. Véry… c’est plus restaurant.

TRISTAN. Ah ! dis donc, il va venir ici une dame.

GASPARD. Parbleu !

TRISTAN, lui donnant amicalement une tape sur la tête. Farceur de Gaspard ! il a deviné.

GASPARD.[2] Avec vous, ça n’est pas difficile… En faites-vous, monsieur Tristan, en faites-vous !

TRISTAN. Oh ! je me rouille bien, va !… Tiens, prête-moi donc des ciseaux, je me suis brisé un ongle.

GASPARD, tirant des ciseaux de sa poche. Voilà, monsieur Tristan !

TRISTAN, les prenant. Merci !… Cette dame demandera le cabinet de M. Tristan.

GASPARD. Et je l’introduirai, soyez tranquille ! Encore une liaison qui commence.

TRISTAN, arrangeant son ongle. Tu crois ?

GASPARD. Oh ! nous connaissons ça !… Décidément, il n’y a que les restaurants pour les

  1. Gaspard, Tristan.
  2. Tristan, Gaspard.