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CHAPITRE xvi

Le bal annoncé battait son plein. Le coup d’œil était féerique.

Enchevêtrés de serpentins multicolores, noyés de lumières, les danseurs s’en donnaient à cœur joie. Nobles et roturiers se mêlaient dans une même valse, un même quadrille, un même cotillon. Les souliers de satin frôlaient les sabots de bois, le brocard voisinait avec le calicot, l’habit de cour avec la vareuse. L’accoutrement et les gestes des personnages étaient parfois cocasses. Un magistrat imposant badinait avec un apache, un Mathusalem défendrait son cornet de crème glacée contre les attaques d’un huguenot. Oubliant le caractère de ceux qu’ils personnifiaient, un Samson parlait de gouret avec un gladiateur, un Franklin et un Napoléon discutaient automobile. Une dame représentant la nuit s’entretenait de sa cure de bains de soleil avec une sirène. Des bergères à la Watteau passaient par groupes et leur babil, qui s’émaillait d’expressions empruntées au langage du flirt et du sport, prenait la tournure d’une conversation fort moderne.

On riait, badinait, se taquinait.

Grisé de jeunesse, un peu fou, on jouissait puissamment de cette vie factice d’un moment.