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— Gilles, assez ! J’ai honte de toi !

— Moi, pas. Ma tante, si je me faisais une couette, vous seriez la première à tirer dessus.

— Qu’on le fasse taire ! Qu’on le fasse taire ! cria la pauvre demoiselle en se bouchant les oreilles.

— Votre bouche la première, tante chérie, dit-il en embrassant mademoiselle Eulalie tout en jetant un clin d’œil de coquin à Paul qui ne savait où se mettre.

— Laisse-moi, enfant déchu, habille-toi en charbonnier, ça te convient !

On se mit à table. Chacun y alla de ses souvenirs et anecdotes, et le réveillon progressa au milieu d’une sobre gaieté. Comme il tirait à sa fin, Gilles, profitant de ce que mademoiselle Eulalie se plaignait des rigueurs de l’hiver, fit glisser l’à-propos sur les charbonniers.

À ce mot de charbonnier, la vieille demoiselle oublia ses frissons pour toiser son neveu.

— Les charbonniers sont des gens détestables et malpropres. Ce n’est pas l’intérêt que tu portes au chauffage qui te fait parler d’eux, Gilles, mais ton idée bête de vouloir revêtir leur costume au bal masqué de Spencer-Wood.

— On ne doit plus revenir sur une chose sagement décidée. Je m’habille en charbonnier, le visage et les mains pleins de suie, et si quelques marquises ont oublié leur mouche, je me charge de leur en appliquer de superbes.

— Gilles ! tu ne feras pas cela ! s’écria tante Eulalie encore aux abois.

— Pourquoi pas ?