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Du temps que sa femme vivait, Joachim l’accompagnait à l’église, pour la forme. À sa mort, il cessa tout exercice de piété même d’apparence. Le mot seul de religion avait le don de le mettre en colère, et comme Gilberte venait justement de le prononcer, il la regarda courroucé, et rétorqua railleur :

— Hé, la religion, à quoi ça sert ?… Trop de contraintes. Fais pas ça, fais pas ci, heu… la religion, je m’en moque. Je suis capable de me conduire sans elle. Et toi Gilberte, je t’avertis pour la dernière fois que je ne veux plus entendre de tes remarques assaisonnées à l’eau bénite, tu as compris ?…

Un peu tristement, Gilberte reprit son travail, pendant que son oncle continuait à supputer ses gains en songeant à ce qu’il en ferait. Un placement avantageux s’offrait ; il ne le laisserait pas passer.

De l’emploi de ses richesses, aucune part pour les pauvres. Ah, si cet homme avait connu la douceur de donner ! Mais non, égoïste dans l’âme, Joachim ne pensait qu’à lui, lui d’abord, lui toujours.

Pour s’assurer une vieillesse aisée, il avait disposé du sort de sa nièce sans même la consulter. Cette jeune fille ardente et bonne, toute désignée pour la tâche sublime des mères de famille, passerait sa vie à ses côtés pour le servir. Et cette décision révoltante ne datait pas d’hier.

Son ouvrage terminé, Gilberte jeta un regard satisfait sur les meubles bien rangés et les parquets luisants. La vue du coquet logis remit, le sourire aux lèvres de l’active ménagère. Elle l’aimait cette vieille maison qui s’était ouverte pour la recevoir, il y avait longtemps de cela, mais comme elle s’en souvenait !