Page:Brassard - Péché d'orgueil, 1935.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 119 —

— Si vous saviez ! Ah, avoir eu la force de vous cacher tout, avoir pu éviter à votre vieillesse une dernière douleur !… Hélas, il vous faut être témoin de mon désespoir sans nom…

L’octogénaire embrassa son neveu, et vaillante, sublime dans sa foi :

— Parle, mon enfant, soulage ton cœur, confie-moi ton chagrin, et puisqu’il doit aussi m’atteindre, je l’offre à l’avance sans le connaître à Celui que je sens bien près de moi par le peu de temps qui me reste à vivre.

Étienne partagea alors le fardeau qui l’écrasait. Celle qui en reçut une part, ne défaillit pas sous son poids. Pour la montée de ce calvaire, ce fut la vieillesse qui soutint le pas hésitant de l’âge mûr. Ce fut le cœur de tante Marie, son cœur de mère, de femme chrétienne, qui trouva les mots apaisants qui soulagèrent le malheureux et lui firent accepter avec plus de résignation sa terrible épreuve.

— Maintenant, tante bien-aimée, vous voyez ma croix. Vous seule pouvez m’aider à la porter. Je demande l’abri de votre toit. Nulle part ailleurs qu’auprès de vous, je me sens le courage de vivre.

— Mon cher enfant, ma maison t’est ouverte, mon cœur aussi ; habite les deux. Et puis, attache-toi à l’ancre de l’espérance ; tout n’est pas perdu ; dis souvent : je retrouverai mon fils.

— Le retrouver dépravé, perverti ; je veux le croire mort et vivre du doute.

— Non, ton fils n’est pas mort, Étienne, quelque chose me le dit. Tu le retrouveras beau, vaillant et