Page:Brassard - Péché d'orgueil, 1935.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 118 —

Étienne, les poings toujours levés, recula devant l’homme devenu fou qu’il avait en face de lui. Il se dirigea vers la porte de sortie, l’ouvrit vivement, et se sauva en courant.

Oui, pour avoir étouffé tous sentiments humains, pour ne s’être même pas arrêté à cet instinct qui fait les bêtes s’épargner entre elles, Joachim Bruteau était tombé dans la plus grande des déchéances mentales, il était fou. Dans ses pupilles dilatées, il y eut un court combat entre des lueurs de raison et de folie ; puis, ses yeux se couvrirent de ce voile d’eau brouillée, propre aux prunelles de ceux qui n’ont plus d’intelligence.

En voyant arriver son neveu, méconnaissable, disant des mots sans suite, tante Marie lui tendit les bras.

— Mon enfant, mon pauvre enfant ! qu’est-ce que tu as ? Parle, dis-moi quelque chose ! Dissipe mon anxiété…

Étienne se laissa tomber sur un siège, sans force, l’âme absente.

Tante Marie s’agenouilla, et les mains jointes supplia :

— Étienne ! Étienne ! De grâce parle-moi, regarde-moi !…

Les yeux si aimants, si implorants de la bonne vieille attirèrent enfin ceux égarés du mari de Gilberte. Son regard troublé vacilla, et des larmes libératrices vinrent sauver ce cerveau aux prises avec la folie.