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adolphe brassard

moissons, les troupeaux sous les ombrages, le va-et-vient de la vie, la vie !

— Tout cela n’est pas pour nous. Prisonniers de la guerre, ses sentinelles de feu et de flammes nous guettent. On ne passe pas.

Je voudrais prendre ma vie et la jeter par-dessus l’infranchissable obstacle, la mettre à l’abri quelque part dans un coin, seul connu de moi, où elle m’attendrait, et, ensuite, m’élancer et la rejoindre.

C’est de la folie, je le sais. Et devant l’impossibilité je me replie sur moi-même, et je couvre ma vie immense de mon pauvre corps menacé.

Ah ! si ceux-là qui commercent avec la vie, comme si elle n’était qu’une pacotille, lui donnaient la valeur que nous lui trouvons, ils cesseraient, épouvantés, leur criminelle besogne ! Mais allons donc, il faut en sacrifier des vies pour que la leur soit plus largement comblée de jouissances ! Quand nous n’aspirons qu’à avoir la vie sauve, que