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adolphe brassard

ner. Mais à quoi bon implorer ce qui à peine existe ? La vie l’abandonne. Déjà, elle n’est plus dans ses pieds ; et ses jambes froidies qui devaient le soutenir dans la montée du succès appartiennent au tombeau ; elle se retire de ses bras qui embrassaient l’avenir avec tant d’assurance ; elle s’en va de sa poitrine où ses mains devenues de cire cherchent à la retenir ; elle n’est qu’un souffle à ses lèvres, et elle s’envole par ses yeux dont le regard, après l’avoir suivie à la longueur des cils, se retire et s’éteint au fond des orbites qui se vitrent sur l’insondable mystère de la mort. La vie est disparue, mais la vie de la mort s’empare du corps inerte et l’anime à sa façon. Sous la pâleur de l’épiderme, elle s’active fébrilement et prépare les voies à la poussière du néant. Et pour cela, elle soulève, dilate, attendrit les chairs, les muscles, les viscères et les offre tout préparés à la putréfaction ; elle court dans les artères et les veines, en stimulant dans le sang