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les mémoires d’un soldat inconnu

qu’un tout immonde d’hommes qui tuent pour ne pas être tués.

Je suis devenu un être étrange que je ne connais pas et qui tue comme les autres, qui hurle et blasphème avec les autres.

Cette offensive a duré huit jours. Ceux qui en sortent vivants ont l’aspect de revenants. Nos rangs se résument à quelques unités, et le cadre des divisions n’existe plus ; des régiments entiers sont anéantis.

Après un jour et une nuit de marche, petite troupe misérable, nous arrivons aux baraquements de repos, et là nous apprenons que l’offensive que nous venons de soutenir a été un succès éclatant, et que Paris, Londres, Rome sont dans la joie. Je revois l’indescriptible mêlée, et j’éclate d’un rire de dément. On ne sauvera pas la civilisation et la chrétienté par le fer et le feu, mais par la charité dans le Christ et par l’effort individuel vers le bien, le beau et le bon. Je me suis lamentablement trom-