Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
adolphe brassard

aux pointes acérées, des tranchées sanglantes, font la ligne de démarcation où doivent s’affronter les haines que l’on attise. On a divisé des êtres humains en deux camps : dans l’un, terribles sont la haine et la vengeance ; dans l’autre, terribles sont la vengeance et la haine, et ce sont ces deux forces implacables qui sont les leviers sur lesquels s’arc-boute l’épouvantable conflit actuel. On a divisé des êtres humains qui gardent chacun leur haine et leur vengeance, mais la souffrance ne connaît pas de frontière, et les souffrances qui viennent de poitrines françaises et les souffrances qui montent des poitrines allemandes se joignent au-dessus des champs de carnage ; vos râles et vos agonies se confondent avec nos râles et nos agonies. Si les hommes comprenaient cette immense souffrance qui plane, unique, au-dessus des nations aux prises, la paix s’établirait demain.

Il a parlé vite et avec cette lucidité des mourants. Mais cet effort l’a épui-