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adolphe brassard

vrent et ferment des paupières géantes, gonflées de noir.

Toute la nuit, les fusées fouillent les nues : on repère les positions. On se sent découvert, et ça fait craindre.

Vers midi, l’artillerie commence à tonner pour de bon. De part et d’autre, on ajuste le tir, et un violent feu de barrage s’engage. Ça va chauffer. Et tout se déclenche. La force aveugle du fer et du feu est déchaînée. Les projectiles à gros calibre sifflent, hurlent, se croisent, se cognent, ricochent et éclatent dans le ciel, le déchirent, le souillent, l’empestent. C’est une pluie de bolides sinistres qui s’abat, pliant l’atmosphère qui devient bouillante et irrespirable.

Et ça dure, et ça dure. Accroupis dans la tranchée, nous attendons. Quoi ? Un signal. Et il vient, d’où ? Qui sait ? Il nous soulève hors du parapet. À l’arme blanche, foncez ! C’est la mêlée, féroce, meurtrière. Les cris, les râles, les os craquent, les chairs