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les mémoires d’un soldat inconnu

près de la nôtre que l’on peut entendre parler de kultur.

Le temps passe. L’aurore vient dorer les parapets. C’est le matin. Un soleil éclatant éclaire le fond de la tranchée. L’air s’attiédit. Au-dessus de nos têtes, dans le bleu transparent du ciel, des nuages légers folâtrent dans la brise. Un vrai temps de pique-nique. Mais les coups intermittents des canons avertissent que la place n’est pas propice aux fêtes folichonnes. On passe les gamelles. La faim qui nous tenaille aide à avaler le brouet qui les emplit. La journée n’offre rien de particulier. Avec le soir, un calme à peu près complet s’établit et finit de nous ragaillardir. J’en oublie presque le corps étendu, abandonné sur le talus et la brute aux prisonniers. La nuit arrive. La seule activité, ce sont les fusées éclairantes qui montent, et montent sans interruption. Elles tracent d’énormes losanges brillants que les ténèbres absorbent aussitôt : on dirait un œil monstre qu’ou-