Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
les mémoires d’un soldat inconnu

feu. Un soleil anémique éclaire le chemin escarpé que nous suivons. Ici c’est la désolation qui commence. Arbres calcinés qui gardent dans leur tronc des débris de mitraille ; le sol est éventré, bosselé, douloureux, et sur l’horizon, traversé de lueurs inquiétantes, fument des ruines. Tout ceci crie la souffrance, je sens bouillir mon sang contre les vandales à casque à pointe. Ils paieront ça. Mes doigts serrent mon fusil.

***

Nous avançons par groupes, avec précaution. La nuit tombe, et, vers l’est, c’est couleur de cuivre avec des petits nuages blancs, tout ronds, durs, qui montent soudain et éclatent en aveuglant le ciel. On se bat. La terre tremble sous nos pas. L’écho allonge en râle le meuglement des pièces d’artillerie. Je crois que c’est une grande bataille qui se livre. Il paraît que non, cette partie du front étant plutôt tranquille dans le moment.