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les mémoires d’un soldat inconnu

blé. Mon compagnon a un mouvement désespéré en reprenant son rang.

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Nous foulons le sol de France. C’est le matin. Notre marche se continue dans la grisaille. Je ne quitte pas mon compagnon de route, et, lorsque nous montons dans les camions qui doivent nous conduire à l’arrière des lignes du front, je prends place à ses côtés. Le jour maintenant éclaire son visage. Les traits accusent la trentaine, et parce qu’ils dénotent aussi la débauche, ceci enlève une bonne partie du poids des paroles qu’il m’a dites. Il est pâle, nerveux. Je lui dis quelques mots ; il reste muet.

La journée progresse. Nous croisons des convois de blessés ; des convois de provisions nous dépassent. C’est un vrombissement étourdissant de moteurs qu’accompagne le grondement continu des canons lointains. Je ne quitte pas de vue mon homme qui de-