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adolphe brassard

avec une serviette au cou, c’est incroyable et ça va être tout un apprentissage.

— Et puis, il y aura le vocabulaire à réviser pour se faire comprendre des civils ; et la bouchée à diviser avant de l’offrir au dalot ; et l’organe de la voix à polir dans les joints…

— Ah ! Eh ben, mon vieux, tu charges trop l’programme.

***

Et dans « l’boudoir particulier », mauvais abri du front dont les sacs de sable gardent les marques de la mitraille, les deux gaillards à la civière sont installés. Une chandelle fichée dans le goulot d’une bouteille de verre opaque éclaire leur visage et fait danser leurs ombres agrandies aux poutres humides du plafond. L’un des hommes est grand, les yeux intelligents mais sournois, le cou vigoureux. Ses épaules tombantes sont robustes. L’attache du poignet est racée. Ses mains, longues et souples, sont sales. C’est un produit éclos d’un arrangement illicite entre la haute et les bouges. L’autre homme est trapu, velu, la mâchoire forte, les dents