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adolphe brassard

gues et de monologues qui relatent des aventures de bouges.

Et ainsi, masse de réprouvés, nous allons sur la route défoncée vers l’enfer qui gronde non loin. Songe-t-on à cela ?

Nous tenons la queue de la file des camions, et une panne de moteur, qui prend une heure à être réparée, nous laisse considérablement loin derrière les autres. Lorsqu’après maints dérapages, nous parvenons à nous mettre en marche, le jour est venu. Nous voulons reprendre le temps perdu, car les copieuses libations excitent notre patriotisme. Mais nous n’avons pas fait vingt arpents qu’un obus nous arrive dessus, éclate presque sous nos roues et émiette le camion. Les obusiers qui ont visé ainsi peuvent marquer sur leur fiche : « Excellent travail ». De douze que nous étions, deux se relèvent ; sept sont tués raides et les autres agonisent. La force de l’explosion a littéralement planté le chauffeur dans le talus. Enseveli jusqu’à la taille, scalpé, il tient au