Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
adolphe brassard

couche sur le satin capitonné, et le père qui survit deux ans. Mais l’adolescent se relève, trempé en homme par la douleur. Le soleil reluit, l’espoir renaît. Je croise de beaux yeux doux de femme, et c’est le rêve du foyer qui s’ébauche, que j’aime et caresse avec assurance. Tout ça passe et repasse cent fois, mille fois, devant moi. Et puis…

Un arrêt brusque du train me ramène à la réalité. Le train reprend sa marche, prudente, maintenant. Les souvenirs qui nourrissaient ma nostalgie s’immobilisent devant la zone dangereuse où nous entrons. Ils n’en franchissent pas la frontière, ils s’y appuient un moment, puis, les uns après les autres, chancellent, s’affaissent, et meurent. Je suis pris d’un besoin de ricaner, de frapper, de crier. Je me joins à ceux qui discutent toujours de la paix, et qui parlent autant avec leurs mains et leur visage qu’avec leur bouche.

Je demande, sarcastique :