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les mémoires d’un soldat inconnu

Je ferme ma fenêtre d’une poussée qui en casse un carreau. Le bruit attire un infirmier.

— Eh bien ! qu’est-ce qui se passe ?

— J’ai brisé un carreau de mon poing, en m’étirant, je crois.

Le lendemain, j’assiste sans être vu à la remise des décorations. Ils sont là une vingtaine, alignés, ou dans une chaise roulante, ou sur des cannes, ou sur des béquilles ; quelques-uns semblent intacts. C’est ça que ç’a coûte pour mériter la plaque au bout de ruban ? Ce qu’il en faut des actions d’éclat pour que les éclats d’obus se fondent en médailles qui s’accrochent au dolman ! Et l’on redresse ses infirmités, on cambre sa poitrine creuse pour recevoir le pataclan, brimborions frappés en série par un pilon mécanique.

La cérémonie est finie. On a touché les candidats à l’épaule avec une lame, une accolade, et c’est tout. Ils s’en vont clopin-clopant, secouant leur breloque qui a coûté un bras, une jambe, parfois