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les mémoires d’un soldat inconnu

nications nous sont coupées avec notre corps de division. Nous n’avons plus ni vivres, ni munitions. Nous jetons nos fusils inutiles sur nos gourdes taries. Désorientés, nous ne savons pas si les obus qui nous arrivent viennent de nos lignes ou de celles de l’ennemi. D’une façon ou d’une autre, nous sommes flambés. Comment cela se passera-t-il pour moi ? Un peu comme pour les autres, j’imagine.

***

Je suis à l’hôpital. Comment cela s’est-il produit ? Je me souviens vaguement d’une coulée d’acier dans ma cuisse et d’un coup au visage. Dans le moment, je ne souffre pas. Je vogue dans le vague, et tout est engourdi en moi. Je constate que je repose entre des draps blancs, et c’est divin. Je suis là, et j’existe. Mon cerveau ne m’apporte aucune image, et mes pensées s’arrêtent sur ces mots : je suis là, et j’existe. Est-ce cela qui précède la