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« Nous reposons sous d’autres cieux… » Et sous une stèle, moi, je repose, sans nom, sans âge, sans personnalité connue. Ombre sans contours, chaque couronne que l’on dépose sur moi me pèse et m’enfonce davantage dans l’anonymat.

Choisi par le destin au hasard des champs de bataille, j’évoque tous ceux qui, tombés dans la mêlée, ont perdu avec la vie les pièces d’identité que leur fournissaient les hommes. Dans cette masse énorme que nous formions, et qui s’étendait partout où passait la mitraille, seul l’amour maternel aurait pu deviner à qui appartenait ce corps en charpie, ce torse sans membre, et quelle intelligence habitait ce crâne fracassé.

Tout comme ceux dont le nom flamboie au haut des cénotaphes, nous avons connu la guerre. Que nous valent ces hommages de marbre et de bronze ? On nous a pris la vie ! La guerre nous a couchés dans un effarant holocaus-