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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

un exposant aussi simple que commode. Ovide écrivait dans ses Pontiques :

Plura quidem mandare tibi, si quæris, habebam
Sed timeo tardæ causa fuisse moræ.

Nous avons ici le commencement du conditionnel moderne. Voici le commencement du futur, que je prends dans un Sermon de saint Augustin ; il est question de la fin du monde : Petant aut non petant, venire habet. Mais l’auxiliaire s’étant soudé au verbe principal, la tentative, au moins au point de vue du principe de spécialité, avorta.

Remontons encore d’une dizaine de siècles en arrière, nous trouvons dans les imparfaits comme amabam, dans les futurs comme amabo, dans les parfaits comme amavi et comme duc-si, des tentatives toutes pareilles. Ce sont les verbes signifiant « être » (en sanscrit bhū et as, en latin fuo et esse) qui viennent s’accoler au verbe principal. Mais jetés au milieu d’une conjugaison synthétique, ces auxiliaires sont aussitôt absorbés.

Il nous est possible enfin de découvrir une première tentative dès la période indo-européenne. Le futur (grec δώσω, sanscrit dāsjāmi) composé avec l’auxiliaire as, ainsi que les autres temps composés avec le même auxiliaire, sont des essais qui montrent combien de fois le langage a eu recours au même moyen, avant de réaliser enfin le progrès qu’il avait en vue.