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et de pratiquer les saints avis qu’ils nous ont donnés, et de nous mettre pour eux en l’état où ils nous souhaitent à présent. Par cette pratique nous les faisons revivre en nous en quelque sorte, puisque ce sont leurs conseils qui sont encore vivants et agissants en nous. »


Il semble que Pascal ne se sente pas encore définitivement conquis à la piété. Il avoue que, s’il avait perdu son père six ans plus tôt, lors de l’accident qui lui survint, il se serait perdu, et que, maintenant même, son père lui eût été nécessaire dix ans encore. Et, de fait, ce n’est pas seulement dans la considération de la mort selon la doctrine chrétienne, c’est encore dans les affections et les occupations du monde qu’il va chercher un allégement de sa douleur. Il étend ses relations, fréquente des beaux esprits et des libertins. Il perd peu à peu l’habitude d’envisager toutes choses par rapport à Dieu, et de lui soumettre toutes ses pensées.

C’est ainsi que, recevant beaucoup de consolation de la société de sa sœur Jacqueline, il lui demanda, comme une chose naturelle, de retarder au moins d’un an son entrée en religion, pour demeurer avec lui. Jacqueline se tut, par crainte de redoubler sa douleur. Mais elle confia à Mme Périer que son intention était de se consacrer à Dieu aussitôt que les partages auraient été faits.

Pascal, cependant, par des donations réciproques, réussit à convertir la part de Jacqueline en rentes viagères qui devaient s’éteindre de plein droit le jour où Jacqueline entrerait en religion. Les partages furent signés le 31 décembre 1651. Jacqueline résolut d’entrer à Port-Royal le 4 janvier suivant.