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ou de Jules Lemaître : Sur le tombeau où tu enfouis ta raison, ta gloire, ton génie, tu plantas une croix ;

mais sous l’entassement des ruines vivantes
L’abîme se rouvrait, et, pleine d’épouvantes,
La croix du Rédempteur tremblait comme un roseau.

Dans le temps même que Victor Cousin, après plusieurs, découvrait un Pascal sceptique, le profond spiritualiste Alexandre Vinet, pour qui la religion consistait à éprouver en soi l’action divine, plaçait le principe de la doctrine de Pascal dans le pessimisme et faisait consister sa méthode à aller de l’homme à Dieu et à voir par le cœur. Il retrouvait en lui la religion telle qu’il la concevait, c’est-à-dire comme affaire d’expérience intérieure et individuelle. Et quand parut l’édition Faugère, publiée d’après le manuscrit, il la salua en ces termes : Pascal nous est rendu, non le Pascal sceptique, mais le Pascal que nous connaissions, Pascal convaincu, fervent et heureux.

Tandis que, sur le sujet des rapports de la raison et de la foi, chacun cherchait plus ou moins dans Pascal ce qui se rapportait à ses idées, le Pascal des Provinciales demeura, en même temps que l’écrivain incomparable, l’adversaire par excellence de la morale des jésuites. En vain l’ordre des jésuites, supprimé en 1764, fut-il rétabli en 1814. En vain le fondateur de l’Institut des Rédemptoristes, saint Alphonse de Liguori, restaura-t-il le probabilisme, sauf explication, en ce qui concerne l’adultère, le parjure et l’homicide : la conscience publique n’a